Un bébé en plein confinement

Il y a quelques mois, lorsque j’ai appris que j’étais enceinte, j’étais loin d’imaginer que mon bébé arriverait dans ces conditions.

Les premiers mois se sont très bien passés. Pas de nausées, pas de sautes d’humeur, pas d’envies particulières comme beaucoup de femmes enceintes peuvent avoir. Les mois ont défilés, mon ventre s’est arrondi tardivement, les kilos se sont installés vers le 5ème mois, mais n’étaient pas nombreux 😉

Le troisième trimestre est arrivé en même temps que les premiers cas de coronavirus en France. Jusque là, rien d’inquiétant, on continue de vivre normalement. Les semaines passent et le nombre de cas augmente. Les gens ayant des symptômes sont placés en quarantaine.

Le virus chamboule nos vies

Début mars, je débute le dernier mois de ma grossesse. Les lieux publics commencent à prendre des précautions, notamment les maternités qui interdisent toutes les visites hormis celles des papas. Je suis triste, mais je me dis que la famille peut attendre 3 jours pour voir notre bébé.

Mi-mars, le gouvernement décide de fermer tous les commerces non indispensables à la vie des citoyens. Puis deux jours plus tard, il annonce un confinement total pour toute la population. C’est un coup dur, nous n’avons pas fini la chambre du bébé et on ne peut plus se fournir en matériel. Nous n’avons pas tout le nécessaire pour son arrivée que ce soit en puériculture ou en vêtement. Il reste les boutiques en ligne, mais beaucoup n’assurent plus les livraisons. Et le plaisir de choisir n’est pas le même que d’aller dans les magasins.
On arrive tout de même à se procurer quelques produits de puériculture sur les grosses boutiques en ligne, de quoi accueillir le bébé dans un minimum de confort. On devait également récupérer du matériel dans la famille. Mais on ne peut plus sortir de chez nous, alors on va devoir faire sans.

Les derniers rendez-vous médicaux

En même temps, j’effectue mes derniers rendez-vous médicaux. D’abord une échographie pour contrôler que tout est bien pour un accouchement par voie basse. On arrive à la maternité avec mon conjoint. Et là, après avoir traversé la moitié de l’hôpital, on nous annonce qu’il ne peut pas rester et qu’il doit sortir de l’établissement. Je me sens seule, comme abandonnée. Même si cette échographie n’était pas centrée sur le bébé, j’aurais aimé partager ce moment avec lui. Heureusement, on ne m’a pas annoncé de mauvaise nouvelle que j’aurais dû encaisser seule.

Deux jours plus tard, j’ai mon dernier rendez-vous de suivi de grossesse. Encore une fois, le papa n’est pas autorisé à m’accompagner. Je me rends alors, seule, à l’hôpital pour voir ma sage-femme.
Pendant qu’elle m’examine, elle m’annonce que les papas ne sont plus autorisés à rendre visite pendant le séjour à la maternité. Ils sont encore acceptés en salle d’accouchement, mais uniquement en salle d’accouchement et à condition qu’ils n’en sortent pas. Il me reste encore trois semaines avant le terme de ma grossesse, et la situation peut encore changer. Il est possible que, suivant la progression du virus, ils refusent aussi les papas en salle d’accouchement comme la plupart des maternités de la région. C’est un coup de massue, je m’effondre devant la sage-femme. Les larmes coulent à ne plus s’arrêter. Elle essaye de me réconforter mais la nouvelle est dure à accepter.

Mes peurs et mes angoisses

Les jours qui suivent sont difficiles à gérer, je pleure et j’ai peur. Je n’ai pas peur de l’accouchement comme j’aurais pu l’imaginer. Non j’ai peur de devoir vivre ce moment seule, de devoir gérer ma douleur seule, de voir naître mon enfant sans son papa. Ce n’est pas comme ça que j’avais imaginé ce moment.

La naissance d’un enfant doit être vécue avec les deux parents, le papa a autant sa place que la maman, même si ce n’est pas lui qui porte l’enfant. Et lorsque c’est votre premier, vous ne savez pas à quoi vous attendre. Alors, savoir que vous allez peut-être vivre ce moment seule, ajoute une angoisse supplémentaire.

A cause de ce virus et de tout ce que cela implique, j’ai mal vécu, psychologiquement, la fin de ma grossesse !

Un message à mon bébé

J’en avais tellement gros sur le coeur que, fin mars, j’ai eu besoin d’écrire à mon bébé (même s’il n’est pas en âge de pouvoir le lire ! ).

Mon bébé !

Nous allons bientôt faire ta connaissance dans des conditions particulières.

Depuis quelques semaines, un virus se répand dans le monde entier. Il a atteint la France et nous contraint à rester chez nous pour éviter sa propagation. C’est une sage décision mais qui bouleverse beaucoup de chose en ce qui te concerne.

On nous a d’abord dit que les visites à la maternité étaient interdites pour la famille, seul ton papa est autorisé. Jusque là, c’est acceptable, la famille peut attendre 3 jours pour te rencontrer. Ce qui nous laisse du temps ensemble avec ton papa avant le chamboulement des visites.

Puis vient le confinement total à la maison pour tous les Français. Tu ne pourras alors pas rencontrer tes grands-parents, tes oncles et tantes, et tous les autres avant la fin de celui-ci. On ne sait pas combien de temps cela va durer, mais il y en a au moins pour plusieurs semaines.

Tous les commerces, non indispensables, ont fermés. On ne peut plus acheter le matériel pour finir ta chambre. Heureusement, on a pu avoir tout ce qu’il fallait pour finir le gros oeuvre, il ne restera que la décoration à faire. Nous avons eu le temps de récupérer ton lit et ta commode avant que tout ne ferme. Tu pourras au moins dormir dans un endroit propre avec un minimum de confort. Pour le reste, on essaye comme on peut de trouver sur les boutiques en ligne, mais certaines arrêtent leurs livraisons juste après avoir passé commande. On va devoir patienter pour recevoir tout le nécessaire à ton confort et à ton bien-être.

Ensuite, on nous a annoncé que finalement ton papa ne pouvait plus nous rendre visite à la maternité. Il a même été refusé lors de la dernière échographie et rendez-vous de suivi de grossesse. C’est un coup dur, mais bon, on n’a pas le choix ! Nous allons devoir passer trois jours seulement tous les deux !

Pour le moment, ton papa est encore accepté dans les salles de naissances mais la sage-femme m’a annoncé que selon l’évolution du virus, il pourrait être refusé. Je me suis effondrée en apprenant cela. Accoucher seule sans ton papa, c’est la pire chose qu’on pouvait me dire. J’ai du mal à l’accepter, j’ai peur de devoir vivre ce moment seule. Donner naissance à un enfant, ce n’est pas anodin. C’est un moment qui doit être vécu ensemble. Je n’arrive pas à imaginer que ton papa ne puisse pas assister à ta naissance, et qu’il doive attendre trois jours pour te rencontrer. Il sera seul à la maison sans savoir si tout se passe bien. Bien sûr, on pourra se parler et se voir en appel vidéo, mais cela ne remplacera jamais le vrai contact.

Ton arrivée est prévue dans deux semaines, j’espère que d’ici là, la situation se sera stabilisée, voir légèrement améliorée, pour que les restrictions à la maternité, concernant ton papa, soit plus souples. Alors, si tu veux bien, mon bébé, reste encore un peu au chaud dans mon ventre, en attendant que la situation évolue, je l’espère, dans le bon sens

J’ai posté ce message sur mon profil Facebook, et j’ai reçu des commentaires réconfortants. Il y a quand même quelques remarques qui m’ont agacée. Certains m’ont dit “le principal c’est que le bébé aille bien”. Alors oui, le principal c’est que le bébé aille bien, mais ça n’enlève pas le traumatisme psychologique que les parents peuvent vivre face à cette situation. Le bébé lui n’a pas conscience de ce qui se passe dans le monde dans lequel il va arriver.

La vie continue

Les jours passent ! J’espère que mon bébé ne veuille pas venir trop vite et que la contamination par le virus diminue pour alléger les restrictions de la maternité. J’évite les efforts physiques pour éviter de déclencher le travail, et je me contente de faire le strict minimum à la maison.

On suit de près l’actualité du virus en espérant voir le nombre de malade baisser. Mais rien, il augmente toujours. Le plateau dont on nous parle tant n’arrive pas, la situation n’est pas prête de s’améliorer. Je dois me faire une raison, je vais accoucher dans des conditions très particulières.

Au fil des jours, les magasins de bricolage, ainsi que quelques boutiques en ligne rouvrent progressivement en drive ou en livraison à domicile. On peut alors de nouveau commander du matériel et finir la chambre de notre bébé. Il manquera juste un peu de décoration mais ça pourra attendre la fin du confinement.
Nous sommes soulagés de pouvoir accueillir notre bébé dans une chambre propre et aménagée. Un stress en moins pour son arrivée !

Physiquement tout va bien, pas de douleurs particulières, juste une fatigue un peu plus importante. Un ventre qui pèse de plus en plus lourd et qui me ralenti dans mes mouvements. Mais je veux le garder encore au chaud.

A la maternité

Le jour du terme arrive, et toujours aucun signe. Notre bébé ne veut toujours pas sortir ! A force de lui dire de ne pas sortir trop tôt, il a fini par m’écouter !
Nous nous rendons à la maternité pour un contrôle. Le papa doit rester dehors pendant le rendez-vous. Les sages-femmes m’examinent et décident de me garder. Le bébé ne peut pas rester plus longtemps dans mon ventre.
C’est le grand jour ! Je pensais rentrer tranquille à la maison, mais non. Je dois rester, je ne suis pas prête !!

On m’installe dans une salle pour me faire passer un monitoring et déclencher le travail. Il y en a au moins pour deux heures, et le papa ne peut toujours pas me rejoindre. Cela fait déjà quatre heures qu’il m’attend sur le parking, alors je lui dis de rentrer à la maison, et d’attendre mon appel pour venir assister à l’accouchement.

Les heures passent, et toujours rien. Je suis seule à la maternité à attendre que le travail commence. Ils relancent un déclenchement, les premières contractions commencent à se faire ressentir. Je commence à avoir mal et je ne sais toujours pas quand le papa pourra venir.
Les contractions sont de plus en plus fortes, de plus en plus rapprochées. Je ne sais plus comment me mettre tellement j’ai mal. Et je suis toujours seule.
Cela fait maintenant 12h que je suis seule à la maternité. Ils décident enfin à me poser la péridurale, c’est le moment de prévenir le papa qu’il peut venir.

Ils me transfèrent en salle d’accouchement et me mettent la péridurale. J’attends le papa, il n’arrive pas tout de suite, et je commence à m’inquiéter de devoir commencer sans lui.
Ouf ! Il est arrivé ! Équipé d’un masque, d’une sur-blouse et de sur-chaussures, mais il est là ! Prêt à me soutenir et à accueillir notre bébé.

Pendant l’accouchement, je dois garder le masque. Ce n’est pas très pratique pour respirer, mais il faut faire avec. Il faut respecter les règles de sécurité et protéger les soignants qui s’occupent de nous. Tout le monde dans la pièce porte un masque, ce qui rend les échanges entre les personnes moins chaleureux.

Quelques heures plus tard, notre bébé est enfin là. Tout s’est bien passé et tout le monde va bien. Lorsque les soignants ont fini de s’occuper du bébé et moi, ils nous laissent un moment de tranquillité tous les trois. Notre premier moment en famille, avec notre petit bout qui vient de naître. Le papa peut profiter de son fils avant de rentrer à la maison, seul.

Je passe mon séjour à la maternité en tête à tête avec mon bébé. Aucune visite n’est autorisée, ni la famille, ni le papa. Je me sens coupée du monde. Même si les proches appellent en vidéo, j’ai l’impression d’être enfermée dans une bulle.
Pendant trois jours, je peux profiter de mon bébé à chaque instant. Mais j’ai hâte de retrouver le papa pour que lui aussi puisse profiter de son enfant.

Retour à la maison

Il est temps de rentrer à la maison. Le papa vient nous chercher, mais doit toujours attendre à l’extérieur de la maternité. Une sage-femme m’aide à descendre mes affaires et nous rentrons à la maison.

Sur le retour, j’éprouve un sentiment bizarre. Je suis heureuse de rentrer, mais je sais que c’est pour s’enfermer à nouveau et être privée de visite.
L’arrivée d’un bébé est un moment heureux qui doit être partager avec ses proches. Mais là, je sais qu’on va rester seuls sans voir le reste de la famille. J’ai l’impression qu’on m’enlève une partie de mon bonheur, celui de partager l’arrivée d’un nouveau membre dans la famille.

Notre bébé va vivre ses premières semaines sans connaître ses grands-parents, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines, et tous les autres. On ne sait pas quand le confinement sera levé, on espère qu’il ne va pas durer des mois. On veut présenter notre fils à sa famille avant qu’il grandisse.

En attendant, nous allons profiter de notre bébé, et appeler nos proches en vidéo pour qu’ils puissent le voir un peu.


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